IL FAUT TOUS LES ENFERMER !

Depuis l'antiquité, le comportement des adolescents fait l'objet de critiques souvent acerbes de la part des adultes. Depuis l'antiquité, les adultes sont frappés d'amnésie et passé la trentaine, oublient leur propre provocation à l'égard de ce monde tout neuf qu'ils allaient conquérir...et façonner de la manière que l'on voit...

L'adolescence n'est pas une maladie, mais un stade naturel de désarroi face aux transformations physiques et psychologiques que le jeune doit subir comme un tsunami qui le submerge d'idées contradictoires. Lorsque l'adolescence se déroule normalement, le milieu familial absorbe sans difficulté les piercings, les cheveux hérissés au gel dur, la musique aux décibels sauvages, les amours éternelles qui durent un été, les crises de colères, la transgression désinvolte des conventions élémentaires et un déni formel de l'expérience des vieux. Ces derniers étant incarnés par les géniteurs.

Par contre, lorsque cette adolescence ne rencontre ni la patiente affection du couple parental, ni la stabilité économique, ni la sérénité familiale, ni les conditions de vie épanouissantes, la moindre anomalie devient un tremplin pour des questions sans réponses. Un couple parental désuni, le chômage, l'exclusion ethnique, culturelle, économique ou sociale, un habitat anxiogène, la ghettoïsation des plus défavorisés, sont autant d'amplificateurs de la contestation naturelle et de la frustration adolescente.

Il est remarquable de constater  que ce désarroi ne touche pas exclusivement les « classes défavorisées », les causes de déséquilibre existent aussi dans « les beaux quartiers » : Le manque d'amour, les désunions, une éducation qui se voudrait rigoureuse et qui n'est que rigide, le souci de l'apparence, provoquent également de nombreux dégâts. L'argent n'achète pas tout et le désarroi, l'angoisse, la frustration affective, le sentiment de ne pas exister touche aussi bien les adolescents NAP(*), que les « loubards » des banlieues. Le désespoir mène aux excès : La délinquance ou le suicide...

On s'indigne de la première et on occulte le second. La délinquance des mineurs est de plus en plus durement réprimée, au mépris des principes de l'ordonnance de février 1945 qui insiste sur la primauté de l'éducatif sur le répressif. Le suicide(**) est pudiquement ignoré et en tout cas, ne bénéficie pas de la médiatisation de sa cousine la délinquance.                                                                  -

Pourtant la délinquance ne touche effectivement que 100 000 mineurs (200 000, après les mesures efficaces de Messieurs PERBEN, SARKOZY, Madame DATI, peut-être plus encore, après la contribution de la commission VARINARD !), si on la rapporte à la population de cette tranche d'âge de la population française de 0 à 19 ans : 15 916 489 individus , on prend conscience du ridicule et de l'exagération donnée à ce « problème ».

D'autant que dans ce chiffre de la délinquance, annoncé avec force dramatisation par les ministères concernés, par le chef de l'État, lui-même, au nom de la sécurité, en période électorale,  on comptabilise pêle-mêle le petit larcin occasionnel – sans récidive – et le crime de sang -extrêmement rare (pas plus de 100 par an), en passant par l'insulte aux policiers et depuis peu,  la bagarre en cours de récré ! Les crimes graves de mineurs, ne devraient d'ailleurs pas relever d'un traitement pénal à priori, mais d'une prise en charge psychiatrique.

Mais il ne suffit pas que les adolescents soient stigmatisés à priori, on localise la délinquance  systématiquement dans des zones à population immigrée ou à revenu modeste. Il est vrai que les incidents dans les HLM de l'avenue Montaigne sont plus feutrés, les pétards que fument les nantis portent sans doute une particule, les éclopés des castagnes de Janson de Sailly sont évacués en limousine, les dealers d'Ectasy s'habillent chez Kenzo et les larcins de quelques milliers d' Euros avec la carte  premier de Père, sont discrètement épongés par la famille soucieuse de respectabilité...Et pour les échecs scolaires, on envoie les crétins de la famille finir leurs études dans une boîte à diplômes en Suisse.

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir informé nos dirigeants : Régulièrement, ceux-ci créent une commission chargée de se pencher sur ce « grave problème ». Cette commission convoque des spécialistes, constitue des groupes de travail, les écoute attentivement... et fait exactement le contraire de ce que ces experts ont préconisé !

Ce fut le cas de la commission convoquée par Monsieur PERREFITTE en  1977 (voir le rapport « Réponses à la violence » Ed . PRESS POCKET 1977 2 vol.).

Le sénateur Jean-Pierre SCHOSTEK a fait la même démarche en 2001-2002 et après avoir entendu des centaines d'éducateurs, de pédopsychiatres, de magistrats de l'enfance, des policiers, a rendu un volumineux rapport en deux volumes « La République en quête de respect » (Librairie du Sénat, Paris, 2002).

Plus récemment la commission présidée par Monsieur VARINARD, connu pour son intransigeance et sa préférence affirmée pour une certaine fermeté, a commis un rapport qui a suscité une levée de bouclier  de tous les spécialistes de l'enfance et de l'adolescence. Nous passerons sur l'inénarrable rapport du député BENISTI.

Tous les débats organisés sur le sujet au parlement, que ce soit à l'Assemblée Nationale ou au Sénat, sont restés stériles, car aucune des objections formulées par l'opposition, n'a eu force de droit,en raison de la logique arithmétique majoritaire, on se souvient des débats sur la Loi de prévention de la délinquance en 2006, la rétention de sureté, la récidive, les peines plancher, la création des EPM etc.

L'argument récurrent servant à récuser les principes de l'ordonnance de 1945, est celui selon lequel les adolescents de l'après-guerre et les dangereux« géants » d'un mètre quatre-vingt-dix actuels n'ont plus rien à voir. Tous les éducateurs, les magistrats, les pédopsychiatres,  vous le diront : Ces dangereux colosses, ces pulpeuses rebelles, sont des enfants désemparés qui n'attendent que vous leur tendiez votre mouchoir pour pleurer... La détresse ne change pas, la frustration est toujours perçue comme injuste, l'angoisse que leur inflige la vie est la même, ce sont les codes qui changent.

G. RANGA

(*)  Neuilly-Auteuil-Passy

(**) Le suicide est, après la route, la seconde cause de mortalité chez les moins de 25 ans

Il concerne 8% de filles et 5% de garçons. La récidive se situe entre 30 et 50%